Le Cambodge impose vite de s'intéresser à son histoire complexe et effrayante. Complexe car ce petit pays a été au centre de beaucoup de conflits, du glorieux empire Khmer, dont les temples sont le symbole, au nombreux conflits avec la Thaïlande ou le Vietnam, en passant par le protectorat français et bien sur le génocide des Khmers rouges.
D'abord neutre vis-à-vis du Viet Cong, le Cambodge ralliera finalement ce dernier et s'attirera les foudres et les bombardements massifs des USA. Le roi Sihanouk part en exil en Chine et est remplacé par un général Pro américain. Les Khmers rouges avec Pol Pot à leur tête font leur apparition soutenus par le roi en exil et lancent la révolution qui s'achèvera par la prise du pouvoir en 1975. Les cambodgien passent du rire aux larmes en une seule journée. Le jour même de la prise de Phnom Penh, la capitale est immédiatement évacuée, comme toutes les autres villes. Tout le monde doit retourner à la terre dans des camps de travaux forcés, pour retrouver le "peuple ancien", avec un communisme poussé à l'extrême. Dans la logique de l'Angkar, "l'organisation", le "peuple nouveau" à savoir les intellectuels, les médecins, les ingénieurs, les artistes, sont tous à éliminer. Décompte la mort secret sans installer dans tout le pays. Nous avons visité l'un d'entre eux le camp S-21 en plein centre de Phnom Penh, une ancienne école. Les prisonniers étaient systématiquement torturés pour extorquer des aveux (espionnage CIA, KGB, traître, vol d'un fruit cueilli sur un arbre...) puis éliminés. L'Angkar avait forcément raison, si tu étais arrêté tu étais forcément coupable. Ainsi n'importe qui pouvait se retrouver prisonnier, et même en interne plusieurs ministres et soldats se sont retrouvés du jour au lendemain prisonniers. Sous la torture un responsable khmer Rouge a même dit, "je ne comprends pas, si on tue les membres de l'Angkar, qui restera t-il pour mener la révolution ?"
Grottes, lacs, ou fosse commune tous étaient d'immenses charniers aujourd'hui à visiter killing cave, secret lake, etc. La vie dans les campagnes est aussi un autre camp de la mort. Tous les outils sont interdits, les personnes sont sous-alimentées, les rythmes de travail sont intenables, la médecine est inexistante (les docteurs sont tous morts), les savoirs-faire sont tous perdus (certains ont survécu grâce à leur compétences quand même car il n'y avait plus personne pour réparer ne serait ce qu'une machine à écrire ou pour peindre Pol Pot !), les gens meurent d'épuisement ou de maladie. le collectivisme est poussé jusqu'à l'extrême, les cuisines privées sont détruites et l'ensemble des villageois mangaient ensemble des mini portions de riz bouilli sous le regard des soldats Khmers rouges.
En 4 ans, de 1975 à 1979, ce sont près de 2 millions de morts, sur un pays qui comptait 8 millions d'habitants. Soit quasiment 1 cambodgien sur 4 !!! Ce qui explique qu'aujourd'hui le pays compte majoritairement des très jeunes, les vieux sont morts !
Pour nous la visite du camp S-21, les différent mémoriaux très explicites, les statues reconstituant des tortures, tout cela est assez choquant et marqué par une totale incompréhension de la vision de Pol Pot. Difficile pour nous d'imaginer que toutes les personnes de plus de 40 ans on vu une grande partie voire la totalité de leur famille ou amis disparaître.
Il faut savoir que cette partie de l'histoire n'est pas apprise à l'école, et qu'à priori on nous a dit que certains jeunes n'y croyaient même pas ! Quand on sait que le gouvernement actuel est tenu par d'anciens Khmers rouges repentis, on se doute que cela demandera du temps.
Donc reprenons, c'est finalement l'armée vietnamienne qui chassera les khmers rouges du pouvoir en 1979 et permettra de mettre à jour le génocide aux yeux du monde qui ne voulait absolument pas y croire. Elle contrôlera le pays pendant une vingtaine d'années non sans d'énormes pillages et nouvelle exode de la population. Aujourd'hui encore les Cambodgiens n'aiment pas du tout les Vietnamiens. Cela donnera également naissance à un mouvement de guérilla Khmers rouges à la frontière thaïlandaise, qui entre autres minera les rizières pour priver l'occupant de nourriture, au final ce sont les Cambodgiens qui en ont pâti le plus. Il faut attendre 1993 pour que l'ONU intervienne, et organise des élections pour mettre en place un système "démocratique". Et jusque là c'est encore Pol Pot qui est le représentant du Cambodge à l'international ! Situation en 1993 : pas d'eau courante, très peu d'électricité, insécurité, conditions d'hygiène déplorables, espérance de vie de seulement 57 ans.
Un tribunal international est mis en place pour juger les responsables Khmers rouges, aujourd'hui au nombre de 5 (Pol Pot est mort avant en 98). Mais les Cambodgiens sont perplexes vis-à-vis de ce tribunal, pourquoi envoyer un vieux en prison, de toute façon son karma ne lui réserve rien de bon à l'avenir !

Si le Cambodge est aujourd'hui stable, la pauvreté reste très présente et une grande partie de la population reste traumatisée, souffrant de " maladies mentales" comme ils disent. La majorité de la population a moins de 35 ans, un challenge pour la formation et l'emploi ! Les citadins et intellectuels n'ayant pas survécu, les villes sont repeuplées par le gens de la campagne avec les habitudes qui vont avec, la circulation anarchique...
Le roi Sihamoni, fils de Sihanouk, est le représentant actuel et son premier ministre Hun Sen tient les rênes du pouvoir. Ceux que nous avons rencontré n'aime pas du tout leur gouvernement, même si aujourd'hui ils se sentent plus libres d'en parler (avant c'était prison quelques jours, idem si on te surprenait à apprendre l'anglais !). Ils disent tous que seuls les étrangers via les ONG se préoccupent d'eux et que c'est la honte pour leur gouvernement !