Salut à vous !

Me voilà à la fin de mon séjour au Laos...
Si tout va bien, je quitte ce pays demain.

Et les deux dernières semaines ont vraiment été géniales, passées avec Katia et Thomas donc. Comme je vous disais, on a été accueillis chez un couple pendant 10 jours. On a pu apprendre pas mal de choses sur le pays grâce à eux. On a ÉNORMÉMENT et super bien mangé. On les a aidés dans leur jardin : ramassage des feuilles, construction d'une pergola en bambou, ramassage du café... On a également eu des moments où les découvertes nous ont mis les larmes aux yeux. Ces choses que l'on sait un peu avant de venir mais qui tordent le cœur quand on les voit de nos propres yeux.

Et ces quatre derniers jours, on a fait le tour du Plateau des Boloven... en stop ! ! Super expérience ! Au programme : visiter de magnifiques cascades, faire une petite rando dans la forêt de bambous, marcher sur des pistes où ne passe qu'une seule voiture en 1h et être trop contents de monter dedans, jouer à Smallworld le soir, être invités à la première soirée des funérailles du beau-père du monsieur chez qui on logeait, manger du riz et des bananes, boire du bon café, être impressionnés par la facilité qu'on a eu à faire du stop, ... Bref ! Super !
Ca va être dur de les quitter demain...

En étant au cœur du Plateau des Boloven et de ses plantations de café, je ne pouvais pas passer à côté d'un mail à ce sujet. Pour ceux que ça intéresse, c'est en-dessous.

Des bises à tous !
Eugénie



Le café des Boloven

On a pu rencontrer et découvrir la CPC...
La CPC est la Coopérative des Producteurs de Café du Plateau des Boloven. C'est une coopérative qui vend du café biologique et en commerce équitable.

Petit rappel historique...
Les français étaient déjà présents au Cambodge depuis 1863, ce territoire était un protectorat. Toujours en cherchant à étendre leur puissance en Indochine, ils ont pris possession du Laos en 1893, face au Siam (l'ancien royaume de Thaïlande).
Et ce sont donc les français qui ont développé la culture du café sur le plateau des Boloven, au sud du Laos. Le climat ici est plus frais que le long du Mékong car on est plus en altitude.

La CPC est une des rares coopératives du Laos (et la seule en commerce équitable), ce qui peut paraître "étonnant" dans un pays qui se veut communiste. L'idée de coopérative a d'ailleurs été dure à accepter car les gens ne mettaient derrière ce mot qu'un modèle douloureux ne leur ayant pas été vraiment profitable : les coopératives du modèle communiste soviétique. Celles-ci avaient été mises en place par le parti après leur accession au pouvoir dans la deuxième moitié des années 1970.

Deuxième petit rappel : qu'est-ce qu'une coopérative ?
C'est un regroupement de producteurs qui sert à mettre en commun les moyens de production (matériel, semences, financement, formation...). Les coopératives permettent également une meilleure commercialisation du produit en ayant une meilleure force de négociation. Une coopérative de commerce équitable garantie également un prix minimum et une prime dédiée au financement de projets collectifs.

Et la CPC donc ?
La CPC est un projet mené à la fois par l'Agence Française de Développement (AFD) et le gouvernement lao. Du coup, elle sert de modèle au gouvernement qui veut glorifier ce type de fonctionnement. Sauf que ce n'est pas pour autant qu'ils sont aidés, par exemple sur les taxes à l'exportation qu'ils payent vraiment chères, contrairement aux grosses entreprises qui magouillent et ne les paient pas ou peu car elles savent à qui graisser la patte (mais on ne va pas aborder le sujet de la corruption ici car il nécessiterait un mail à lui tout seul)...
Ce projet va également servir de modèle dans le nord du Laos où va se développer également de la culture de café. La CPC reçoit sans arrêt des visiteurs qui viennent voir comment elle fonctionne et des producteurs d'ici sont également envoyés pour conseiller les autres.

Cette coopérative produit du café bio et le vend dans les filières de commerce équitable. 80% de leur production est vendue à Malongo en France. Mais la notion de commerce équitable a été bien difficile à faire comprendre aux producteurs. Il faut du temps et de l'énergie pour qu'ils en voient l'intérêt :
- un prix plus élevé que les autres producteurs et garanti malgré les fluctuations du marché (même si ça ne se joue parfois que à 500 kip (environ 0.05€) de différence par kilo, quand on parle en tonnes, ça fait vite un gros chiffre)
- une prime donnée à la coopérative qui est investie dans la construction d'écoles, de dispensaires...
- le partage du matériel et des coûts
- des micro crédits

Il faut arriver à voir sur le long terme, ce qui n'est pas forcément facile. Ici, les gens se soucient d'abord de ce qu'ils peuvent avoir tout de suite. On cherche à avoir de quoi se nourrir et subvenir à ses besoins à court terme.

La CPC a un président, choisi parmi les représentants des producteurs. Les producteurs étant regroupés à plusieurs avec un représentant à chaque fois. Le président est nommé pour 3 ans et peut tenir cette fonction deux fois. Il doit respecter certains critères, à savoir : être éduqué (ce qu'il signifie qu'il doit au moins avoir fini l'école primaire, savoir lire et écrire), il doit être intègre, engagé et savoir être écouté par les autres. Il se retrouve à représenter les producteurs de la coopérative parfois devant les plus hautes instances politiques, par exemple au congrès du parti (la "grande messe" où les membres du parti choisissent qui sera le président du Laos et les ministres).
Et cette position est encore loin d'être tenue par une femme... Dans la société lao, les femmes ont encore pour rôle de s'occuper de la maison et de la famille... en plus du travail qu'elles fournissent à côté. Ce qui leur rend presque impossible l'accès à des postes à responsabilité. Dans les familles défavorisées, ce sont les petites filles qu'on envoie en dernier à l'école. De plus, les femmes ne conduisent pas beaucoup et il n'est pas très bien vu qu'elles aillent seules quelque part. Si une femme a des responsabilités, qui va la conduire à ses réunions ? Et qui va garder les enfants pendant ce temps-là ?

Et pour la suite ?
Sur les trois prochaines années, le projet va surtout porter sur la formation. Que ce soit la formation du personnel dans les bureaux de la CPC ou la formation des producteurs eux-mêmes (travail en particulier sur une amélioration constante de la qualité du café).
Malheureusement, le manque de main d'oeuvre commence à se faire sentir car (une fois de plus) les jeunes préfèrent partir travailler en Thaïlande. En parlant de la Thaïlande, ce pays est, on le sait, beaucoup plus "développé" et avec une population bien plus nombreuse. On y trouve déjà plus d'une cinquantaine de coopératives et ce système est plus ancré dans les mentalités qu'ici.

Il faut bien noter que cette coopérative représente une toute petite part de la production du café sur le plateau des Boloven : 10%. Le reste des producteurs vendent à des grandes entreprises, en particulier Madame Dao, la "princesse du café" du coin avec sa méga grosse usine, son immense maison au bord du Mékong digne de Buckingham Palace et ses gros investissements financiers en tout genre. En passant, cette dame revend à Carte Noire par exemple...
Du coup, la CPC représente une niche dans ce domaine, ils jouent donc beaucoup sur la qualité du café qui leur permet d'être en bio et en équitable. Un si petit marché n'a donc pas lieu de faire peur à la "princesse".

Pour finir, juste un petit mot sur les prix... Le café ici se vend autour de 2000 et 2500 kip le kilo (environ 25 centimes d'Euro), sachant que sur cette somme, environ 1000 kip (10 centimes) sont touchés par les cueilleurs, voire moins chez les producteurs qui ne sont pas en commerce équitable... Ce prix fluctue bien sûr en fonction du marché. Les producteurs en équitable touchent au moins 3000 kip le kilo (hors prime de commerce équitable).

Pour avoir ramassé le café pendant juste quelques jours, je ne peux que renforcer mes convictions vis à vis du commerce équitable et du mode de consommation qu'on choisit (ou pas...) de suivre...